J'ai pris la route il y a deux semaines. Un lundi matin (ou plutôt midi parce que les départs sont toujours longs). J'ai souvent pensé avant à ce départ que j'imaginais comme un saut dans le vide, bouleversant d'émotions. Pourtant ce fut un coup de pédale comme les autres - le vélo très chargé en plus. Ce fut un faux-départ.
La première journée m'emmène chez mes parents. Premier arrêt au stand. J'allège le vélo de quelques centaines de grammes, refroidie par la première montée chargée malgré mon habitude du voyage à vélo. Je rajoute aussi quelques objets comme une fourchette, oubliée malgré des mois à peaufiner mon tableau Excel du matériel à emporter! Puis je reprends la route le lendemain, un tuppeware préparé par mes parents pour le repas du midi. Direction les gorges du Tarn.
Les journées suivantes sont pleines de doutes. Les Cévennes sont intransigeantes pour mes jambes mal préparées et j'ai le vague à l'âme en même temps que je peine dans les montées. Il est fréquent que les voyageur.se.s a vélo se demandent dans les montées ce qu'ils font la à pédaler dans le soleil et le froid et qu'ils s'imaginent volontiers passer leur vie à ne faire que ça dans les descentes. Pourtant ce deuxième jour même la longue descente magnifique du causse au creux des gorges ne me remonte pas le moral. Mais comme souvent à vélo la magie finie par opérer. Les jambes trouvent la bonne fréquence, l'esprit s'apaise et se met à rêver et les moments deviennent sublimes. Les gorges du Tarn l'étaient assurément. Hors saison, quel plaisir! Puis je grimpe en Lozère et les matins deviennent fraicheur, le givre recouvre les champs des alentours et j'entraperçois ce que sera les matins d'hiver à venir. C'est beau. Je suis une inconditionnelle fan des Cévennes et une fois encore elles m'auront enchantée.
Après un arrêt chez de la famille et de nouveaux aurevoirs, je roule à travers les vignes puis les champs de lavandes du Lubéron dans une chaleur toute estivale rejoindre deux amies pour le week-end à Apt. Le Mont Ventoux sert de toille de fond au paysage pendant deux jours. Je n'en tenterais pas l'ascention mythique ce coup ci. Je suis acceuillie dans un domaine de Château neuf du Pape pour la soirée par un ami de la famille : bon vin et rugby. C'est le retour très temporaire du plat, ça va vite mais c'est un peu monotone, surtout lorsque je rejoins l'eurovelo 8 pour quelques dizaines de kilomètres. Le week-end nous visitons le Colorado provencal et je profite de cette petite pause pour laver cheveux et vêtements. Déjà une semaine sur la route!
Direction les Ecrins. Je suis rejoint à Sisteron par un ami qui fait son baptême de voyage à vélo. Courageux de commencer par les montagnes. La première journée le long de la Durance lui laisse un peu de répit avant d'attaquer les premières côtes. Puis nous montons, descendons et remontons. Je retrouve l'ivresse de l'endorphine. Nous bivouacquons au lac Serre Poncon. L'automne n'est pas encore arrivé et l'eau est agréable après une journée de vélo. Le jour suivant nous emmène au creux des montagnes et d'une vallée à l'autre les arbres sont soudainement bruns et rouges, le thermometre descend et l'on peut même apercevoir de la neige sur certaines crêtes plus haut. La fondue s'impose! Je ne suis pas une habituée de la montagne ayant grandi sur une île tropicale et ces paysages me ravissent. Nous empruntons quelques routes vertigineuses qui serpentent à flanc de colline avant d'arriver à Briançon où mon ami reprend le train et où je passe la soirée chez un couple de cyclistes ayant pédalé l'année précédentes sur les routes de la soie. Les photos et les récits de leur aventure remplissent mon cœur d'envie. Dernier jour en France et premier col alpin pour moi. Le col de l'echelle, facile côté français avec ses pentes ne dépassant pas 7% et son ascension progressive. Les paysages n'en sont pas moins beaux.
Il fait gris et pluviotte même par moment. C'est la première fois que le soleil n'est pas éclatant depuis le début du voyage mais toujours pas d'averses à l'horizon. La pluie j'en aurais pendant ce voyage c'est certain. J'ai toutefois été plutôt chanceuse jusqu'à maintenant de ce côté là. Mes derniers 5000km a vélo m'auront épargné les vraies rincés, si bien que j'ai un peu perdu l'habitude et j'espère ne pas avoir à la reprendre de sitôt !Presque sans transpirer j'atteins le col. En bas c'est l'Italie et un nouveau chapitre de mon voyage.
Je peux le dire maintenant. Je suis partie. Ça n'a pas été facile. Il a fallut expliquer et re-expliquer : oui je pars seule, non je n'ai pas peur - enfin si un peu mais pas de tout, pas de n'importe quoi -, oui une femme seule ça voyage, ça pédale et ça a le droit de prendre des risques et d'être libre. Et c'est ce que j'aimerais raconter. Raconter les paysages, les sensations dans le corps, les émotions heureuses ou non, les regards croisés que je porte sur les choses et les gens et qu'ils posent sur moi en retour : bref tenter de dépasser les statistiques et les stéréotypes. Je ne candidate pas au label "Sylvain Tesson" de l'aventure et j'aimerais m'affranchir d'une culture d'ecrivain-voyageur d'heroisation virile qui fait obstacle a des recits sincères. Je veux prendre mon temps - ou du moins essayer - lors de cette route à soi(e). Ciao à tutti e a presto!
Commentaires